dimanche 8 janvier 2012

Une série d'articles lucides sur l'adoption internationale

Lucides mais ...."raides", quatre articles québécois hyper-précis de Baptiste Ricard-Châtelain pour "Le Soleil" , sur le nouveau paysage de l'adoption internationale. Sans aucune illusion sur la difficulté de "l'exercice", que ce soit la difficulté de l'attente ou la difficulté renforcée de la parentalité adoptive, du fait de l'évolution du  profil des enfants adoptables. Une douche froide, mais réaliste et salutaire, avec plein d'exemples de pays, notamment asiatiques. Au moins, les choses sont dites! Je vous en cite ici les passages les plus marquants, mais n'hésitez pas à aller les lire (en cliquant sur les sources, tout en bas).

La fin de l'illusion du bébé parfait 
L'adoption internationale est devenue un interminable chemin de croix. Tellement, que Québec entend forcer les futurs parents qui rêvent de cueillir un poupon en des contrées lointaines à suivre une formation pour qu'ils sachent dans quel bateau ils embarquent. (voir à ce sujet le dernier numéro du SAI précisément sur la préparation à l'adoption ici ). Entre le fantasme du bébé parfait de quelques mois et la complexe réalité des enfants disponibles, il y a un monde d'illusions à déconstruire. (...)
La demande est toujours aussi forte, mais le nombre d'enfants jugés «adoptables» est en chute libre. Beaucoup de nouveau-nés trouvent maintenant une famille sur place, dans leur pays d'origine. Ces nations offrent donc aux adoptants de l'étranger de plus en plus de garçons et de fillettes plus vieux, souvent étiquetés «besoins spéciaux» (lire ici qu'ils cumulent des problèmes de santé physiques et psychologiques). " Il y a encore des bébés disponibles, mais ils sont rares et il faut attendre cinq ans, six ans. La plupart des enfants seront plus âgés, fréquemment en fratrie, parfois handicapés." 
«Il est de plus en plus important que les parents soient préparés» (...) «Le but, c'est d'allumer des lumières rouges pour que les gens puissent aller plus loin.» (...) «Il faut les outiller à devenir des parents d'exception», réclame le Dr Chicoine «Ça prend des compétences particulières et un gros portefeuille.» (...)
«On arrive à une sorte de cul-de-sac. Ce n'est pas rose du tout, lance-t-il. C'est complètement changé, le monde de l'adoption depuis quelques années. C'est vraiment un autre monde.»
Malgré tout, le projet d'adoption demeure tout à fait réalisable, tempère le Dr Jean-François Chicoine. Les défis sont certes nombreux. «Ce qui n'empêche pas de super belles histoires.» (...)
 «Ils ont les mêmes besoins que les autres enfants, mais ils ont des "options" supplémentaires, ils ont besoin d'un entretien spécialisé.», précise  Johanne Lemieux. «Ils ont été en malnutrition générale - affective, alimentaire, sensorielle -, ces enfants.»
«Le mythe que les bons soins et de l'amour règlent tout, c'est faux et archifaux», explique Johanne Lemieux. «Il faut que tu sois conscient que ça va prendre des connaissances supplémentaires pour soigner les blessures invisibles. [...] Ils vont avoir besoin de parents particulièrement disponibles et "connaissants".»


Des délais qui s'étirent
"J'ai de la difficulté à encourager des gens qui veulent adopter qui sont en début de processus. [...] Il faut être fait fort pour passer à travers.»Le moins que l'on puisse dire, c'est que la présidente de la Fédération des parents adoptants du Québec, Claire-Marie Gagnon, en a gros sur le coeur. (...). Les pays pourvoyeurs donnent maintenant la priorité à l'adoption locale au risque d'héberger les enfants plus longtemps en institution. En gardant leur progéniture à la maison, ils espèrent, notamment, préserver la culture des petits. «C'est quoi, la culture d'orphelinat? Il n'y a pas de culture dans un orphelinat», dénonce Mme Gagnon.
Le nombre d'enfants disponibles diminue, les délais s'étirent. Les adoptants plus patients poireautent donc des années pour accueillir un bébé. «Après cinq années, ce n'est plus le même couple qui va arriver avec un enfant. Pendant cinq ans, ils ont bloqué tous leurs projets pour attendre cet enfant-là. [Et], c'est rendu dans les 30 000 $. Quand les enfants finissent par arriver, les parents sont déjà au bout de leurs ressources.»
Les adoptants plus pressés s'ouvrent aux enfants «à besoins spéciaux»; ils sont handicapés, plus vieux, en fratrie ou malades. Ici, l'attente est réduite. «Les enfants qui sont offerts, ce sont des enfants dont les pays ne veulent plus ou dont ils ne peuvent s'occuper», déplore Claire-Marie Gagnon. Notre interlocutrice convient qu'adoption internationale rime toujours avec défis. «Mais il y a des défis insurmontables. Certains sont des puits sans fond d'exigences, de demandes, de soins.»
«Ce qu'on nous demande, c'est d'être beaucoup plus des professionnels de la santé. [...] On demande aux adoptants, maintenant, d'être des aidants naturels pour les enfants de l'étranger et d'être des thérapeutes parce qu'on impose des enfants avec des défis de plus en plus grands, évalue-t-elle. "

Enfin, "pas simple de démystifier les bouleversements qui ballottent le monde de l'adoption internationale et chamboulent les aspirations des parents en devenir.En résumé, les 4 contraintes pour les futurs parents :
1. l'application de la convention de La Haye dans toujours plus de pays, ce qui génère des "ralentissements importants."
2. Le niveau de vie croît dans les pays d'origine, les abandons d'enfant sont donc de moins en moins nombreux. Et des couples de ces contrées ont maintenant les moyens d'adopter. En plus, la hausse du niveau de vie est corollaire du recours à la contraception. (...)
3 Peu de pays acceptent l'adoption internationale, et dès qu'un pays pourvoyeur se referme, c'est l'engorgement assuré chez les autres.
(...)
4. Des critères  nombreux pour restreindre l'admissibilité des adoptants.(...) "


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5 commentaires:

  1. Je pense que, contrairement à Johanne Lemieux, les bons soins et l'amour règlent déjà beaucoup de problèmes. Après si l'enfant a des besoins spécifiques, cela relève de la médecine.
    Peut-être faudrait-il se pencher un peu mieux sur le sort des enfants restés dans leur famille biologique. J'ai le net sentiment que c'est la catastrophe !
    Ayant adopté trois enfants, je n'ai jamais eu le fantasme du bébé parfait. Il y a les mêmes problèmes que dans les familles biologiques !
    Il est en tout cas intéressant de relever que les enfants à besoins spécifiques n'intéressent pas le pays où ils sont nés. Que deviennent alors leurs belles théories avancées pour que les autres enfants restent dans l'orphelinat du lieu de naissance ?
    Si problème il y a, c'est parce que le commun des mortels ne veut pas considérer l'adoption comme une vraie famille. Primauté de la filiation par les gènes ! C'est sur ça qu'il faut se battre, d'autant plus qu'il y a autant de ratages dans les familles biologiques que dans les familles adoptives.

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  2. @anonyme: cela fait plusieurs jours que tu as une assiduité remarquable, Anonyme!
    Toujours, cependant,pour ressasser un même raisonnement, un même point de vue, à tel point, que, pourtant friandes de commentaires et très ouverte au débat, je me sens quelque peu vampirisée!
    Les points de vue différents, les débats m'intéressent, car ils me font cheminer et évoluer (ou pas) dans ma conception et dans ma réflexion. D'où l'intérêt, parmi d'autres, d'avoir un blog, d'ailleurs...
    Cela étant, comme tu as pu le remarquer, je ne suis pas d'esprit militant. Je crois beaucoup plus à la force de "l'influence" et du lobbying...
    Je ne souhaite pas que ce blog devienne la tribune d'un militantisme que je ne partage pas forcément à 100%!! Je crois (naïvement, peut-être) que les choses en matière d'adoption sont plus mesurées, plus nuancées, comme je l'ai expliqué dans mon commentaire du post sur "Sos orphelinats du monde" http://le-blog-de-kakrine.blogspot.com/2011/12/sos-orphelinats-du-monde.html#comment-form, post autour duquel les commentaires ont d'ailleurs été particulièrement riches. Il me parait important qu'un climat propice à l'expression de la diversité des idées règne sur ce blog.
    Je serai bien sûr ravie de te lire à nouveau, pour contribuer aux échanges et faire vivre ton point de vue, tout en laissant la place aux autres de s'exprimer.
    Je crois qu'un tel volontarisme en matière d'idées mérite un blog à part entière, non? Il va falloir se lancer, Anonyme... Qu'en dis-tu?

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  3. Kakrine, je regrette que le fait d'exprimer mon point de vue puisse te faire penser que les autres ne puissent en faire de même. Comment pourrais-je empêcher que chacun puisse témoigner ? Je pense qu'en ces temps difficiles, il ne faut pas rester tièdes. Je m'excuse si je t'ai heurtée. J'ai une dizaine d'années de recul sur l'adoption et une dizaine d'année de vécu. Aussi, je sais un peu de quoi je parle.
    Si tu penses que ton blog ne doit pas glisser vers des annotations militantistes, je je le comprends aisément. Néanmoins, je ne comprends pas en quoi j'empêche les autres de s'exprimer.
    C'est vrai, j'ai eu la haine, surtout pour ce qui s'est passé en Haïti. Des enfants sont morts ... et je ne peux que me mettre à la place des parents. Je pense qu'une certaine idéolgoie doit être dénoncée, de même qu'une certaine politique. Je suis en mesure aujourd'hui de pouvoir dire ce que je pense pour moi, mais aussi pour les autres, sans avoir peur. Aujourd'hui, plus que jamais.
    Désolée de t'avoir importunée. Je crois que l'on ne peut rien attendre si l'on se tait et si l'on se mouille jamais. Je me suis sans doute tromper de blog pour faire part de mes idées.
    Libre à tous ceux qui veulent s'exprimer de le faire. Je comprends tes reproches, même si je les regrette. Ce n'est pas dans la nuance que les choses avancent. Mais je n'ai aucune prétention de faire évoluer les choses favorablement en matière d'adoption, aussi je me tairai désormais. Je laisse l'avenir juge ... J'espère seulement qu'un grand changement arrivera en 2012.
    Bien cordialement et surtout bonne chance et surtout bon courage. Il faut tenir. Je te souhaite l'arrivée de ton enfant le plus vite possible.

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  4. Ces articles sont très intéressants. Je voudrais saluer les pays qui ont le courage de reconnaître leur impuissance et font la démarche d'offrir à leurs enfants sans parents une famille, même d'ailleurs, c'est vraiment tout à leur honneur.

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  5. @Anonymous: je pense juste que ta force de conviction, que je comprends mieux maintenant que tu explicites que tu as "eu la haine", et que la répétition inlassable de ton point de vue, quelque soit d'ailleurs le sujet du post, peuvent bloquer les autres... Moi la première, je me suis dit "bon Ok on a compris son point de vue, c'est bon, ça fait 10 fois", mais je ne savais pas trop quoi te répondre en retour! laissant ainsi ton comm en suspend...
    Je te laisse bien sûr faire comme tu voudras, mais je trouverais dommage que tu arrêtes de t'exprimer, je pense au contraire que tu as probablement d'autres choses à dire sur l'adoption, et sûrement hyper intéressantes au vu de ton parcours et de ton expérience...
    merci en tous cas de ton soutien et peut-être à bientôt?

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