L'adoption et moi, par Faithfullyyours
"Deux fiv à mon actif, aucune accroche, jamais, une réponse aux traitements qui est normale, mais pas aussi éblouissante que celle qu'on attendrait de quelqu’un de mon âge. Mouais. Je commence à me dire que si on veut avoir des enfants un jour (et c’est un peu ma quête depuis trois ans, hein, donc j’aimerais autant qu'on y arrive à un moment) il va peut-être falloir qu'on arrête de compter que sur nous, et qu’on fasse appel à l’amabilité d’enfants qui seront déjà tout faits pour enfin devenir parents.
Sauf que l’adoption, ça me fait peur. Pour plusieurs raisons. D’abord c’est long. C’est horriblement long. Je sais pas si je suis capable d’attendre et de prendre sur moi sans devenir une grosse connasse frustrée quelqu’un d’autre, sans me renfermer sur moi-même, devenir jalouse des autres pour qui c’est tellement facile (enfin, encore plus que maintenant je veux dire). Je ne pense pas que ce soit au-dessus de mes forces, parce que ce qu’il faudra faire pour avoir un enfant, je le ferai (même si cela implique voler un gamin au jardin d’enfant ou en acheter un sur le net. Nan je déconne les gens, appelez pas la police, c’est juste pour détendre l’atmosphère !). J’ai du mal à m’imaginer dans le futur résignée et capable d’attendre des années, sans pester, sans devenir une mauvaise personne. Bon, au pire je serai une mère un peu frustrée et énervée vous me direz, y en a d’autres.
Ca me fait peur aussi, parce que je suis obsédée par la crainte que mon enfant se sente comme un plan b. C’est pas vrai, c’est juste qu’on est un peu cons, et faignants, on choisit la facilité, on se dit que c’est quand même plus rapide l’AMP si ça marche pour nous faire parents, et puis ça pose quand même moins de questions d’avoir un enfant par soi-même.
J’ai peur que mon enfant ait l’impression qu’on a fait notre marché, qu’on a choisi notre enfant, par caprice. J’avoue que ça me fait peur de rentrer dans ce système où l’on peut élire une région du monde, je ne sais pas comment je ferais pour gérer ça. Et puis je pense aussi que finalement, à moins d’adopter seul, on est plutôt choisi par les OAA que l’inverse.
J’ai peur du mal être de cet enfant, de ne pas savoir lui expliquer, quoi lui dire pour qu’il se sente à sa place et aimé, pour compenser un sentiment de double abandon, une fois par ses parents, une autre fois par le centre qui aura accueilli ses premiers mois. Et pourtant je me dis que si c’est écrit, si c’est celui-là le chemin qui nous mènera à notre enfant, c’est qu’on peut le faire, c’est qu’on se renseignera, on se bougera le cul, on lira des livres mêmes (si, je vous jure, j’en lirai plein !) pour avoir plusieurs pistes de réflexions, et pouvoir trouver notre façon de l’élever. Mais je me sens vraiment toute petite en face d’une tâche aussi ample. Et puis je doute un peu aussi parfois.
Je suis en protocole fiv, parce que ça me parait plus rapide, parce que j’ai l’espoir de connaître un jour ce qu’est une grossesse, parce que je veux pouvoir rentrer dans le groupe des femmes qui parlent de leurs nausées et de leur accouchement. Ouais je sais, c’est un peu bas, je suis un peu faible, mais s’il le faut, je m’en passerai. Avoir un enfant avec mon code génétique, ça pour le coup, je m’en tape le cul par terre.
Parce que mon rêve, ça reste quand même de trouver un jour un bébé dans son panier au bord de l’eau comme Moïse, et de le garder, et de l’élever. Parce que comme je suis une personne pleine de préjugés, et que je suis rien qu’une petite bite, quand je vois un couple avec un enfant disons… exotique, je ne peux pas m’empêcher d’imaginer à quel point ça a été long et douloureux pour eux d’en arriver à un si grand bonheur, et que ça me foutrait presque les larmes aux yeux (alors que si ça se trouve vous me direz, ils sont juste en train de promener le fils des voisins , ou de faire un babby-sitting, mais que voulez-vous, j’adooore projeter mes sentiments sur les autres c’est plus fort que moi !)
Alors voilà, à la veille (ou presque) de mon transfert d’embryon congelé, je me dis que quel que soit l’issue de ce chemin, même si sans le savoir encore je dois bifurquer vers une autre route qui sera encore longue, je la ferai, et je la ferai à genoux s’il le faut, du moment qu’elle m’emmène un jour vers mon enfant.
Et sinon j’aimerais qu’on fasse tous une ronde autour du monde pour que tous les hommes se donnent la main. Mais je veux pas qu’on mette une femme enceinte à côté de moi." Ecrit par Faithfullyyours.
Faithfullyours a donc choisi de livrer ses première réflexions sur l'adoption: j’ai beaucoup aimé son article, et qu'elle exprime aussi librement ses craintes… qui me paraissent tellement loin !! Certaines étaient les nôtres au début, d’autres ne nous ont jamais effleuré l’esprit ! C’est interessant cet échange, car je crois qu’on voit bien le cheminement , et notamment les toutes premières idées qui viennent quand on se met à penser à l’adoption alors qu’on est encore en fiv et qui doivent donc « maturer » ; et aussi le fait qu’on en soit à des étapes très différentes, même si plein de choses résonnent pour l’une et l’autre dans chacun des billets !
J'espère donc désormais pouvoir ouvrir régulièrement mon blog à d'autres bloggueuses/bloggeurs, ou encore, à des non-bloggueuses/bloggeurs qui me lisent et qui aimeraient un peu plus de place que celle possible dans les commentaires pour s 'exprimer autour de l'adoption!
Et maintenant, dites-nous si vous avez aimé...
Edit: je reproduis ici la parution de mon article chez Faithfullyyours, et des commentaires laissés par les lecteurs, afin d'en conserver la trace !!
Kakrine, c’est un peu mon modèle dans la vie, de sérénité, et de patience. J’aimerais bien avoir le dixième de ce qu’elle a. Kakrine, toutes les galères par lesquelles je passe, elle les a connues, en pire, et maintenant, elle a dépassé cette étape de l’AMP pour continuer son chemin sur une route plus longue encore, celle qui mène à l’adoption, et à la Thaïlande. Kakrine, elle est posée, et elle a eu le temps de réfléchir à son enfant, à sa vision de l’adoption (vous pensez bien, l’adoption, c’est long) et elle en dit des choses très justes dans son article « Trouver les mots », ou dans « Egoïste » en particulier pour lequel je rejoins tout à fait son point de vue, et puis c’est une adoptante engagée en quelque sorte, qui publie régulièrement des nouvelles sur la situation politique ou sociale de la Thaïlande. Kakrine me fait donc l’honneur aujourd’hui de bien vouloir partager avec nous chez moi un peu de son expérience de l’amp, en revenant sur son parcours qu’elle juge avec beaucoup de recul, et je lui laisse d’ailleurs la parole: 
Aujourd’hui, c’est donc chez Faithfullyyours que vous me lisez. Autant vous le dire tout de suite : j’adoooore son blog ! J’aime son humour féroce, sa « trasherie » hilarante, sa poésie aussi et finalement, son recul sur les « FIV et toussa ». Recul dont j’étais bien incapable lors de mon propre parcours de PMA et qui force mon admiration ! Alors bien sûr, quand elle m’a proposé un open-blog, j’ai foncé !
Elle voulait savoir comment on passe de la FIV à l’adoption, et si on tourne vraiment la page, « toussa ». Vaste(s) sujet(s) !! Et la nécessité de se replonger dans ce que je me suis appliquée, non pas à « oublier » mais à en atténuer les souvenirs… simplement pour continuer d’avancer.
D’abord un retour rapide sur notre parcours : fev 2004- sept 2008 : 1 FIV, 4 ICSI, 3 TEC et deux fausse-couches violentes. Pas dans l’ordre, bien sûr : un chemin avec des hauts et des bas permanents. « Tomber 7 fois, se relever 8 »… Fin du parcours PMA. Nombre de FIV autorisé épuisé… et nous aussi. Quatre ans et demi difficiles, hantés par la PMA quasiment jour et nuit. Douleur, angoisse, larmes, obsession, espoir aussi, et quelques rares moments de joie… Mais aussi, avec mon Namoureux, une grande complicité, beaucoup de soutien réciproque, d’échanges, de discussions : ces échecs successifs, ces épreuves successives nous ont indéniablement, définitivement, durablement soudés. Un « fond d’écran » permanent, et la culpabilité aussi. La difficile acceptation, pour nous qui sommes volontaristes, autonomes, actifs, de devoir dépendre d’autrui (en l’occurrence, des médecins), pour ce qui est censé être la chose la plus simple et la plus naturelle au monde, avoir un enfant. Qu’elle n’est donc pas, CQFD.
J’avais arrêté la pilule en juin 2002 (voir
ici). Des essais, de plus en plus programmés, quelques examens, jusqu’à ce RV funeste de décembre 2003, la veille de mon anniversaire, chez ma gynéco : les résultats des analyses sont implacables. Elle nous conseille un RV PMA. Rapidement maintenant, parce que bon, j’ai alors déjà 34 ans.
En février 2004, nous rencontrons donc un premier médecin PMA. Vous savez, ces deux entretiens où on vous fait réfléchir un peu sur la PMA. Où on vous demande par exemple, ce que vous pensez faire des embryons surnuméraires congelés, le jour où. Ce médecin, donc, qui nous dit entre autres, deux choses : « vous êtes un cas simple », ce qui se révèlera inexact, et « qu’en dehors de la PMA, il y a aussi la filiation par adoption, vous y avez pensé ? ». A quoi nous répondons que nous y avons vaguement pensé, que c’est quelque chose de positif à nos yeux, mais que nous voulons d’abord entamer un parcours médical, que nous avons confiance en la médecine et en ses progrès, qu’aujourd’hui « les FIV, ça marche bien ». Ce qui se révèlera inexact aussi. Pour nous, en tous cas.
Cet échange avec ce médecin, par ailleurs tout à fait sympathique, nous l’avons toujours eu en tête. Nous en avons régulièrement reparlé. A chaque échec, notamment. Et surtout au moment où l’on a commencé à se rendre compte que ce serait compliqué. Quand on a rencontré le professeur qui dirigeait le service, après une FIV sans embryons. Nous n’étions soudain plus un cas simple… déjà compliqué, mais pas encore désespéré.
Bref. En 2006, nous commençons sérieusement à discuter adoption. On n’en peut plus. On pourrait aussi faire avec un don de gamètes -l’une ou l’autre, nous sommes tous les deux « à problème ». On élimine vite ces possibilités : d’abord, ras-le-bol du médical, ensuite, on se dit « un enfant soit 100% nous, soit 100% pas nous ». Pas un 50/50 difficile à porter, à partager, à expliquer. Ensemble, comme depuis le début, c’est tout.
On commence à se renseigner. En avril 2006, on contacte l’asso EFA de notre département, pour avoir de premières infos. En résumé, c’est long, de plus en plus, et il faut être mariés. Ce que nous ne sommes pas.
On décide alors de poursuivre, et d’utiliser nos TEC et FIV restantes. Mais on n’y croit plus vraiment, on les fait pour ne pas regretter, pour se dire qu’on aura tout essayé. Brûler toutes les cartouches auxquelles « on avait droit ». Et puis, ça marche… avant une fausse-couche apprise de la pire des manières, lors de la première échographie.
Je me dis de plus en plus que ce n’est pas comme ça, pas de cette façon là, que je serai mère. Je fais des cauchemars, je revois ma dernière fausse-couche, je ne supporte plus certains aliments. Je suis mal. Puis peu à peu, j’arrive à trouver quelque chose de positif à ces fausses-couches : je sais ce que c’est qu’être enceinte. Au moins, je l’aurai « ressenti », dans mon corps, même si c’était très court…je sais aussi ce que sont des contractions violentes, le Samu, les urgences la nuit… Je comprends mieux ce que racontent les unes et les autres quand elles évoquent leur accouchement. Je sais, maintenant, que je ne serai pas mère comme ça. C’est difficile, long, compliqué, douloureux. Mais je chemine. Je le serai autrement. C’est tout.
Début 2007, nous nous lançons, décidés. Lettre au conseil général pour débuter la procédure. Réunion. On attend 6 mois, rien. Mon processus de « renoncement » se poursuit petit à petit. Je me sens déculpabilisée. Je n’aime pas le terme de « deuil de l’enfant biologique », utilisé à toutes les sauces, je préfère celui de renoncement. Renoncer, c’est aussi choisir. Choisir autre chose. On se réapproprie notre projet parental. Nous savons qu’il va falloir attendre, attendre encore. Mais l’adoption, c’est complètement différent : On est actif, on construit notre projet, contrairement aux FIV où l’on est passif, dépendants des -bonnes ou mauvaises…- décisions des médecins, où le « protocole » nous contraint et nous dépasse.
On fait ce qu’il faut auprès des psys et AS, on fait le meilleur dossier possible, on se renseigne, on réfléchit à ce qu’on dit … Toujours dépendant d’autrui pour devenir parents, bien sûr, mais cette attente n’a rien à voir : un enfant est au bout du chemin, notre enfant. De façon presque certaine. Contrairement aux FIV.
A la rentrée, tout s’accélère : rendez-vous avec l’AS et le psy. En octobre : bon, on a tout maintenant, il ne manque plus que le certificat de mariage pour passer en conseil de famille et obtenir l’agrément. Branle-bas de combat : on se mariera le 8 décembre. Et nous aurons l’agrément le 24 janvier 2008. En mai 2008, l’AFA accepte notre dossier. Ce sera la Thaïlande. Une joie immense. Un aboutissement et surtout, surtout, un nouveau départ.
Un dernier TEC se fait en septembre 2008. Par le médecin du premier rendez-vous, d’ailleurs… Cette fois, on en vient presque à « espérer » l’échec, maintenant que notre parcours d’adoption devient concret ! On y va très très détachés… on n’est plus « dedans ». Notre tête, notre cœur, sont en Thaïlande, où nous attend notre enfant, nos enfants.
Dans les mois qui suivent, je me mets à lire tous les bouquins sur l’adoption, l’attachement, les « how to » pour élever et accompagner un enfant adopté. Ça fait sourire mon mari, et moi, ça me rassure. Je suis prête. Cela fait maintenant un moment, donc. Prête à être maman. Juste autrement.
PS : L’illustration est tirée de la couverture du livre « J’adopte » de Coco Tassel – Un très joli livre, touchant et lucide, « vif et vrai » sur les parcours de PMA et d’adoption. Et une excellente post-face de Jean Marie Colombani. Moi, je suis m’incruste chez Kakrine aujourd’hui si ça vous intéresse, pour y donner ma vision de l’adoption. Sinon j’aimerais bien pouvoir publier ici une fois par semaine (bon, au moins une fois par mois sinon) des choses de vous, donc si vous souhaitez publier ici quelque chose en lien avec votre désir d’enfant, ou votre infertilité, c’est ici qu’on me contacte: faithfully_y@ymail.com
Très beau texte, expérience difficile, douloureuse, mais malgré tout positive… Chapeau
Et beaucoup de belles choses à venir, j’espère !! ♣
bon courage a toi dans la suite de ton parcourt, je te souhaite vivement que la PMA fonctionne, car même si aujourd’hui kakrine et moi avons un discourt positif sur l’adoption, nous avons du traversé des épreuves bien difficile pour gagner la sérénité qui est la notre aujourd’hui. j’aurais voulu tomber enceinte rapidement pour ne pas perdre la naïveté qu’on avait il y a 8 ans au début de notre aventure bébé. garde espoir, ton bébé viendra quelque soit le chemin qu’il va prendre pour arriver a vous.
Mais c’est vrai que souvent on obtient plus rapidement un gamète qu’un enfant adopté.
Après, personnellement, je ne le ferais pas, parce que je n’y trouve pas d’intérêt, mais je parle pour mon couple, tout en sachant que si ça se trouve, je changerai d’avis un jour (mais je crois pas), je pense comme vous que ce sera ou tout de nous, ou tout de quelqu’un d’autre.
Bisous
Très beau récit chère Kakrine, très vrai. Je te rejoins à 100% surtout pour le fait que ces années de galère pour essayer d’être parents (par la PMA et avant) ont également soudées notre couple plus encore que l’arrivée de notre fille (adoptée en Chine). Je crois que ces épreuves quand on les surmontent à deux deviennent un atout.
J’espère que tu connaîtras bientôt le bonheur d’être maman car les livres c’est bien beau mais le « live » c’est encore mieux !!
Faithfull, concernant la PMA, le jour où la page a été tournée pour nous (déménagement, installation à l’étranger etc..) on a mis en pause la PMA et déclenché la mécanique adoption, et à compter de ce jour, on n’a jamais eu la moindre envie de revenir en arrière et de re-tenter d’autres FIV même si on le pouvait. Le jour où tu as décidé que tu as été au bout de tes efforts de ce côté là, c’est une vrai délivrance en fait même si le chemin vers ton enfant est encore long et compliqué.
C’est toujours une attente, pas facile, mais très différente, beaucoup moins douloureuse (en tout cas c’est comme ça que je l’ai vécue comme Kakrine nous l’explique parfaitement).
Virginie