lundi 11 janvier 2010

Trouver les mots...


Un excellent article dans LeMonde, qui rappelle un certain nombre de points de vue sur le "quoi dire" et "comment dire" aux enfants adoptés, d'où ils viennent et qui sont leurs parents.
Cet article a l'avantage de synthétiser plusieurs points de vue ... même s'il n'y a rien de bien nouveau par rapport aux contenus des divers bouquins sur le sujet...
Merci Anne de ta perspicacité ;) !
Je me pose la question du meilleur âge pour retourner dans le pays d'origine? (cf fin de l'article) ; si certains parmi vous ont accompagné leur(s) enfant(s) dans ce périple, vos commentaires m'intéressent!

"Expliquer l'adoption n'est pas toujours chose facile pour les parents adoptifs. Et, pour l'heure, l'accompagnement fait trop souvent défaut. Son renforcement est à l'étude dans le cadre de la réforme de l'adoption, en préparation au secrétariat d'Etat à la famille. C'était l'une des préconisations du rapport sur l'adoption réalisé par Jean-Marie Colombani (ancien directeur du Monde), remis en 2008 au président de la République. Cet accompagnement pourrait être développé dans le cadre des consultations d'orientation et de conseils en adoption (COCA).

Très vite, les enfants cherchent à savoir d'où ils viennent. Questionner ses origines, c'est établir les assises de son monde intérieur, structurer son sentiment d'appartenance et se forger un sentiment de sécurité. Il y a quelques décennies, il était possible de cacher à un enfant qu'il était adopté. La révélation qui s'ensuivait était souvent violente et traumatisante.
"Tous les psychologues s'accordent à dire qu'il faut que l'enfant ait le sentiment de l'avoir toujours su", assure Cécile Delannoy, mère adoptive et aujourd'hui grand-mère. En France, 80 % des enfants sont adoptés à l'étranger, et 60 % d'entre eux ont plus de 2 ans, ce qui a rendu cette culture du secret obsolète. L'adoption est intégrée dans le discours des parents, et c'est bien souvent une évidence pour les enfants. On dit au bébé : "Comme je suis content(e) de t'avoir ramené à la maison", "Quand on est venus te chercher...", "Quand tu es arrivé..."
Mais les choses se compliquent lorsque vient le temps des questionnements, entre 3 ans et 6 ans, quand l'enfant adopté se confronte au regard des autres. "C'est une fausse équation de considérer que maternité égale grossesse, et pourtant elle infiltre tous les esprits", explique la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval. Un enfant peut ainsi revenir bouleversé de l'école parce que l'un de ses camarades lui aura dit que sa mère n'est pas sa vraie maman.
"On est dans une biologisation des liens qui fragilise les parents adoptifs, déplore la psychanalyste Sophie Marinopoulos. En ce sens, l'adoption vient nous interpeller sur ce qu'est véritablement la parentalité." Pour répondre avec justesse à son enfant, les parents adoptifs ne doivent pas douter de leur position. "Il faut que les parents puissent respecter la dame qui a donné naissance à leur enfant, et la remercier pour leur avoir fait ce don, considère Mme Delaisi de Parseval. Ce remerciement symbolique est une façon de se libérer en partie de la dette qu'ils ont envers elle."
Plus les parents se sentiront légitimes, plus les réponses seront faciles. D'autant que la façon dont les petits formulent leurs interrogations peut les heurter, les blesser. "Les jeunes enfants ne mettent pas de points d'interrogation", poursuit Mme Marinopoulos. Ils procèdent par affirmations. "Tu n'es pas mon vrai papa" signifie ainsi : "qu'est-ce qui fait de toi mon vrai père ?" "Tu n'es pas ma vraie maman" équivaut à : "faut-il que je sois sorti de ton ventre pour que tu sois ma mère ?" "Ce que l'enfant a envie d'entendre, c'est qu'il est à la bonne place. Ce dialogue va permettre la construction du lien familial", analyse Mme Marinopoulos.
"Les parents devront répondre aux interrogations de leur enfant qu'ils sont ses vrais et ses seuls parents, quand bien même celui-ci n'est pas issu de leurs corps", explique Mme Delaisi de Parseval. Mais cela ne signifie pas gommer les parents biologiques. "Il est nécessaire, pour se construire son identité narrative, que l'enfant ait, dans la mesure du possible, le maximum d'informations sur ses parents de naissance", poursuit la psychanalyste. Par ailleurs, il importe, pour sa construction psychique et sexuée, que l'enfant sache qu'il est issu d'un homme et d'une femme.
Pascale et son mari, comme beaucoup de parents adoptifs, ont composé un album de photos pour Anna, leur petite fille de 10 ans, adoptée dans un pays de l'Est. Ils y ont mis des images du voyage, à l'aéroport, de l'orphelinat, etc. L'enfant s'y plonge régulièrement, le montre à son entourage. La question la plus douloureuse que leur a posée leur fille est celle de savoir pourquoi ses parents biologiques l'avaient abandonnée. "Tes parents n'ont pas pu, n'ont pas su t'élever", lui répondent-ils.
La question du pourquoi taraude tous les enfants adoptés. "Il est important d'en parler, explique Françoise Vallée, psychologue clinicienne à l'espace adoption du conseil général de Loire-Atlantique. Il faut que l'enfant donne du sens à cela car, faute de réponses, il risque de penser qu'il n'était pas un bon bébé. Il faut lui donner les raisons dont on dispose dans le dossier, en se mettant à sa portée."
Face aux demandes des enfants d'aller dans leur pays d'origine, voire de rencontrer leur mère biologique, la prudence s'impose. "En demandant à aller dans le pays où il est né, l'enfant peut questionner la solidité du lien avec sa famille adoptive. Est-ce que je suis au bon endroit ?", remarque Mme Marinopoulos. Si, malgré la réassurance de ses parents, l'enfant persiste, mieux vaut que cette décision soit accompagnée par des professionnels. "Il faut y réfléchir, en discuter, tester les motivations, explique Mme Vallée. Cela peut prendre six mois, voire un an." Car la déception risque d'être forte. "A l'adolescence, le retour dans le pays d'origine peut aggraver les choses. Il semble plus facile chez les enfants plus jeunes, vers 7-9 ans", analyse Cécile Delannoy, qui soutient des familles dans le cadre d'une association. Dans tous les cas, il faut que l'enfant sache que, là-bas, il sera un étranger."
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1 commentaire:

  1. Juste une petite précision quant à la première phrase du texte : "Comment dire aux enfants adoptés d'où ils viennent et qui sont leurs parents".

    En ce qui concerne le "d'où ils viennent", il n'y a aucune difficulté à parler à un enfant de son lieu de naissance. Pour moi, c'est naturel et l'enfant peut le savoir dès son plus jeune âge, dès qu'il a la possibilité de comprendre, en visionnant des albums photos par ex et en discutant naturellement. L'adoption n'étant pas un tabou, mais une belle histoire d'amour, il est important que l'enfant le sache et comprenne que sa venue découle d'un projet familial et qu'il s'inscrit dans une nouvelle filiation. Encore une fois, je pense qu'on n'est pas prédéterminé par ses gènes et son lieu de naissance !
    L'enfant doit être conforté dans le sentiment qu'il est bien dans une vraie famille avec de vrais parents (avec des liens indestructibles) et que l'adoption est une autre manière de créer une vraie famille comme la famille biologique. La position des parents (adoptifs) doit être claire. Si cette position est claire, l'enfant peut tout entendre sur son histoire (de quelques mois de sa vie). Je pense aussi qu'il faut absolument dédramatiser l'abandon. L'abandon, dans le cas de l'adoption, est une voie vers le bonheur et vers la construction d'une famille. Il faut que les enfants comprennent qu'on n'est pas forcément heureux et aimés dans une famille biologique et que la vie et devant et non derrière. Je pense aussi qu'il faut arrêter ces discours de "psy" et de dire que la construction d'une identité est liée à des retrouvailles hypothétiques de parents de naissance. Connaître son histoire n'est pas de retrouver forcément des parents biologiques. Etre un vrai parent ne s'arrête pas à la "fabrication" de l'enfant. Etre un vrai parent, c'est le construire. Ce que l'enfant devient à l'âge adulte dépend de sa construction pendant l'enfance, les racines se construisant pendant l'enfance. Le sens des mots est très important.

    Enfin, quand on dit "comment dire aux enfants adoptés ... qui sont leur parents", je suis interpellée, car pour moi ils savent déjà qui sont leurs parents, puisqu'ils vivent avec eux. Leurs parents sont leurs parents adoptifs !!!! Encore une fois, il faut que les choses soient claires. L'enfant doit être sécurisé et surtout être sur de ses parents (adoptifs). Il ne doit pas cultiver un "entre deux". Cela n'empêche pas qu'il puisse connaître son histoire et le pourquoi de son abandon.
    Christine

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