lundi 2 mai 2011

"Adoption : blessures secrètes", le doc

Moi, j'ai beaucoup aimé le doc sur l'adoption qui est passé hier soir sur France 3. Pourtant, je dois dire que j'avais quelques craintes au vu des articles qui le présentait (voir LeFigaro), axés uniquement sur l'échec de l'adoption: or, ce doc va bien au-delà, et aborde l'échec de l'adoption, c'est vrai, mais pas que, et loin de là! 
J'ai vraiment apprécié le regard lucide, le "parler-vrai" et la subtilité des différents témoignages, interviews, reportages qui permettent d'apprécier l'adoption dans toute sa complexité. Sûrement parce que, tout au long du reportage, les points de vue, ressentis, avis des adoptés et des parents adoptants sont pris en compte de façon équilibrée, tout au long de chacune des étapes du process d'adoption, voire bien après.
Pour une fois, c'est donc à la fois grand public et pour les adoptés, et pour les adoptants. Pour une fois, on ne survole pas le sujet à l'aide des clichés habituels... Ce doc creuse les choses, va au bout des choses et apporte aussi à ceux qui sont concernés par l'adoption: habituellement, les reportages sont beaucoup plus superficiels et j'ai souvent le sentiment que ça n'apporte pas grand chose. Là, c'est l'inverse! C'est extrêmmement complet, et surtout, pour une fois, ce n'est pas "à charge"!
Je crois que c'est aussi dû au fait que l'approche associe des familles, des adoptés, avec leurs émotions, leurs histoires, leurs ressentis, leurs personnalités ... et des reportages sur les aspects de la démarche d'adoption, aspects médicaux, administratifs, dans un conseil général, un orphelinat, un hôpital. J'ai par exemple adoré la scène de la découverte de l'album photo , dans un orphelinat, l'étonnement des enfants, leur curiosité et la simplicité avec laquelle la nounou leur explique les choses, "pour les habituer"... 
J'ai été très touchée par les témoignages des adoptés, notamment Julien, né en Ethiopie, et David, né en Corée. 
Julien, sa joie de vivre, son optimisme, ses yeux brillants, qui dit son bonheur, notamment lors de sa rencontre avec ses parents :"j'étais heureux, j'avais quelqu'un qui s'occupait de moi, qui m'avait désiré, c'était super"
David, à l'inverse, à la fois plus posé, qui donne le sentiment d'avoir plus souffert tout au long de son enfance mais qui donne aussi aujourd'hui le sentiment d'une certaine sérénité. Il parle de façon très émouvante de ses premières années à l'orphelinat (il a été adopté à 7 ans): "j'avais un sentiment de grande solitude, et en même temps d'attente, attente qu'il se passe quelque chose, soit qu'on revienne me chercher, soit qu'on m'adopte".  "Au début, l'attention que me portaient mes nouveaux parents me paraissait inhabituelle et intrusive, je sentais une sorte d'obligation de les aimer»...
Le reportage en Corée sur la rencontre de Maylis et son frère (dont j'ai oublié le prénom, David aussi, je crois) avec leur mère biologique et leurs grand-parents est poignant... un vrai "coup de poing dans le ventre", mélange de déception, de soulagement, de douleur finalement consolée par la mère adoptive,  "je croyais que j'avais été insignifiante"...
Et l'échec est abordé, aussi. Les difficultés. "La différence entre l'enfant rêvé et l'enfant réel", comme le dit le professeur Choulot, filmé lors d'une conférence au redoutable mais salutaire parler-vrai! 
L'histoire, terrible de Jonathan et de la famille qui a été la sienne quelques années, déstabilisante, dérangeante, qui interpelle une fois de plus sur l'apparentement... le "père" se demandant si sa famille était bien celle qu'il fallait pour cet enfant-là ... et le désespoir toujours palpable de sa "mère", qui m'a beaucoup fait penser à la journaliste du NYTimes qui avait l'an dernier témoigné sur son échec, elle aussi (ici).
L'histoire de cette jeune fille d'origine roumaine hospitalisée en psychiatrie... et la "sur-représentation" des enfants adoptés dans ces services, selon le pédopsychiatre du CHU de Nantes... ce qui va à l'inverse de ce que j'ai pu lire dans certaines études, mais qui semble être son constat.  
Les difficultés d'une maman à se sentir mère véritablement d'un adorable petit garçon né au Mali...ou les doutes  d'une mère devant le comportement difficile de son petit garçon (celui sur la balançoire, je n'ai pas retenu son prénom)  et l'écoute bienveillante de la pédospychiatre Marie-Odile de la Pérouse de Montclous, qui les aide. 
Et ce "mot de la fin", assez terrible, asséné par une Anne-Laure dont on sent le parcours douloureux, qui cite une autre adoptée: "vous êtes mes parents, sans aucun doute, mais nous n'avons pas les mêmes ancêtres". Redoutable. Et juste. Mais... je pense que ce doc montre justement qu'il y a un "mais", que malgré ces difficultés, cette complexité, ça peut marcher!  
C'est vraiment un doc précieux, d'une très grande richesse, et qui je vais revisionner une seconde fois, au moins, pour saisir encore des subtilités qui auraient pu m'échapper!
Vous avez aimé, vous? 
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10 commentaires:

  1. Merci pour ce billet Kakrine, très juste et très beau.
    J'ai beaucoup aimé ce reportage également, qui mérite le détour.

    Je ne doute pas que ceux qui ne l'ont pas vu auront envie de le voir après avoir lu ton billet.

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  2. En Afrique de l'Ouest, il est courant de donner ou accueillir un enfant. L'enfant connait ses origines et très souvent fréquente encore ses parents naturels. Ces adoptions-là se passent en général très bien. Une de mes nièces a été donnée à la naissance par sa mère à sa tante (la petite soeur de sa mère)qui n'avait pas d'enfants. Certes elle est restée dans la famille mais cela aurait pu ne pas être le cas... Je trouve que c'est bien plus compliqué quand l'enfant est coupé totalement de ses origines... Mais le choix ne se pose pas toujours, malheureusement. Et dans tous les cas, c'est toujours l'histoire d'une rencontre, une alchimie qui se fait ou pas... Profonde question que celle de l'adoption... Il faut la vivre avant tout.

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  3. @Julien: merci! je crois effectivement qu'on ne peut qu'apprécier un reportage d'une telle qualité!
    @Malorie: je ne connaissais pas cette tradition, c'est aussi un peu ce qui se passe en Polynésie...
    Quant à l'alchimie, je crois que tu as trouvé le mot juste !

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  4. Oui j'ai regardé et j'ai aussi beaucoup aimé.
    Très précieux tous ces témoignages d'adultes adoptés car ils sont rares (à part le super blog de Julien Chabada bien sûr).
    J'ai juste quelques réticences sur le professeur Choulot que j'ai détaillées sur le blog de Moushette.
    La scène avec les nounous qui montrent les albums photos m'a aussi beaucoup touchée car nous en avions envoyé un dès que nous avions reçu le dossier de notre fille et je pense que sa nounou lui avait aussi montré et l'avait "préparée" (et qu'elle n'a du coup absolument pas pleuré lors de notre première rencontre ce qui continue de me laisser admirative de ma fille !).
    Amitiés,
    Virginie. maman d'Anaïs

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  5. Bonjour, je découvre ce blog par hasard.
    J'ai énormément apprécié ce reportage, car il me semble faire un tour complet ou quasi de l'adoption. Et effectivement, il n'est absolument pas focalisé sur l'échec, puisqu'il ne montre qu'un exemple.
    Ce document aborde la vision à la fois des parents et des enfants, chose rare, la plupart du temps les reportages sur l'adoption sont focalisés sur les parents et les difficultés du parcours d'adoptant. Avec cette vilaine tendance à oublier que l'adoption est là pour répondre au droit à l'enfant d'avoir des parents, et non l'inverse.
    Adopté coréen, j'ai forcément été plus touché par l'histoire de Maylis, mais me suis retrouvé un peu dans chaque témoignage. Beaucoup de ressentis, réflexion et travail sur soi similaires.
    J'ai beaucoup aimé le passage sur les entretiens pour agréments, qui insiste sur le fait que l'adoption n'est pas une action humanitaire.
    Ce reportage est à mon avis un "must-watch" pour tous ceux qui s'intéresse au sujet, les adoptés et surtout les parents adoptants. Car il montre bien l'aspect psychologique et le parcours des enfants adoptés.
    Je ne sais pas comment aujourd'hui vous êtes préparés à l'adoption, mais je pense que la plupart des échecs sont liés à une idéalisation, un manque de préparation, une absence d'information et de prise de conscience de la personne qu'on va accueillir. L'enfant adopté a déjà une histoire, douloureuse qui plus est, il a vécu au moins 1 traumatisme majeur qu'est l'abandon, et dans le cas de l'international un 2ème qui est le déracinement. Ceci revient toujours, plus ou moins tôt, plus ou moins violemment, mais ça revient. En avoir conscience est essentiel à mon humble avis.
    En tout cas je vous souhaite bon courage dans vos démarches et tout le bonheur possible dans votre future histoire.

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  6. @Kyungjin: bienvenue sur le blog! merci beaucoup pour ton témoignage, juste et touchant... pour ta sensibilité et ton humilité. N'hésites pas à revenir nous en dire un peu plus une prochaine fois! Amicalement, Kakrine

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  7. bonjour,j'ai reagder votre bloc j'ai trouver vraiment super,tbravo pour la démarche...qui es tant manifique "moi même j'était adopter de inde"
    tout de bon.

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  8. @anonyme: merci pour votre enthousiasme!

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  9. Kuynglin, je suis d'accord avec toi sur beaucoup de point, sauf sur celui du déracinement des enfants adoptés à l'international.
    Un bébé ou un jeune enfant n'a pas encore de racines. Il ne faut pas confondre gènes et racines.
    On ne construit pas de racines en étant enfermé dans un bâtiment avec comme seul horizon une pièce principale et un petit lit.
    Je pense que le problème vient de ceux qui sans arrêt renvoient à la figure des enfants "adoptés" leur adoption.
    Il faut endurcir nos enfants et leur faire comprendre que l'adoption est une vraie famille, légitime comme la famille biologique, et que ceux qui sans arrêt essaie de les blesser sont eux-mêmes très mal dans leur peau. Je pense que "l'enfer est les autres" dans ce cas là. Je le vois avec mes enfants et nous discutons énormément de ça. Il y a beaucoup d'imbéciles, mais il faut qu'ils comprennent que la différence est naturelle et que quand on a quelque chose de plus que les autres, certains ne le supporte pas et essaie de détruire.
    Voilà, je pense que ce n'est uniquement à cause de ça que nos enfants peuvent souffrir. Quand tout va bien, cela dérange, et il y a toujours quelqu'un pour faire une remarque complètement absurde ...
    Quand mes enfants me racontent ce genre de choses, je leur dit toujours que les médisants ou imbéciles (car des fois je me demande s'ils réfléchissent) ne sont pas bien dans leur peau et dans leur famille et que c'est là la raison. A chaque fois, il y a une raison à la méchanceté.
    Quand nos enfants auront compris cela, ils seront plus forts et seront bien dans leur peau quoi qu'il arrive.
    Il faut bien se dire que la différence et le bonheur (particulièrement dans l'adoption) dérangent ceux qui ont eu des ratages ...

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  10. Bonjour Kakrine,
    je me réveille un peu tard et je n'arrive pas à regarder cette émission qui semble avoir suscité beaucoup de réactions. Nous avons adopté un petit garçon de 5 ans en 2005 à Rangsit et aujourd'hui, j'avoue que nous sommes parfois bien démunis ! Il a aujourd'hui 13 ans (est en puberté précoce) et des questionnements, nous en avons plein la tête. Peut-être que de voir ce reportage nous aiderait. J'ajoute que nous sommes près de Pau et que nous avons rencontré le Dr CHOULOT pour une visite médicale à l'arrivée de Thomas en 2005. Merci d'avance pour votre réponse.

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