Ci dessous, un extrait d'un article publié sur Youphil par Pierre Salignon, histoire de prendre un peu de recul ...
Modestie, transparence et dialogue sont les mots d’ordre.
Il y a un peu plus de 5 ans, le drame vécu quasiment en direct allait provoquer une mobilisation internationale sans précédent, suivie rapidement, en France, par une polémique sur l’usage des dons reçus par les associations caritatives dans des volumes jamais observés, au total 330 millions d’euros.
La gestion de cette catastrophe par tous les acteurs (ONG, pouvoirs publics, entreprises, média…) a été critiquée. L’ensemble du secteur a dû revoir ou préciser ses pratiques. Quelles leçons peut-on retenir pour l’avenir?
Le rôle crucial des secours locaux
Si on parle d’abord de la réponse à ce type de catastrophe, force est de constater que tout le monde a occulté le fait que les secours les plus efficaces dans les heures suivant la catastrophe avaient été locaux. Si, dans les premières heures, les autorités nationales ont certes été désorganisées et confrontées à des difficultés logistiques pour atteindre les zones affectées, leur mobilisation a été réelle pour faire face à l’urgence de la situation. Certains pays, comme l’Inde, ont refusé le déploiement des secouristes internationaux, appelant les ONG à un peu de modestie devant ses propres capacités de réponse à la tragédie.
Le tsunami a permis ainsi de rappeler une autre évidence: les humanitaires, pris ici dans un sens large, n’interviennent jamais sur des territoires vierges. Le premier niveau de dialogue et de négociation dans ce type de catastrophe doit donc avoir lieu au plus près de la tragédie, sur le terrain, en lien avec les autorités publiques et les communautés concernées. Au lieu de seulement penser à mobiliser mécaniquement les secours étrangers et à les projeter vers les zones de la tragédie, il est tout aussi efficace de s’appuyer sur les capacités de réponse locales et régionales aux catastrophes, quand elles existent.
Et si ce n’est pas le cas, il serait judicieux de les renforcer ou de les développer avant de nouvelles tragédies. A côté d’initiatives multiples déjà lancées dans ce sens par les ONG, c’est l’objectif que se sont assignées depuis 2005 les Nations Unies au travers notamment de la Stratégie Internationale de Prévention des Désastres (ISDR), un sous-secrétariat des Nations Unies basé à Genève. Il reste à voir si ce dispositif sera efficace, mais l’initiative mérite d’être suivie.
Résister aux sirènes de l’émotion
Autre enseignement important: l’émotion publique ne peut à elle seule justifier le lancement de programmes d’assistance. La tragédie a démontré que ce n’est pas parce que le public se mobilise (ce qui est positif) et que des sommes d’argent faramineuses ont été collectées que l’argent est automatiquement bien utilisé ou qu’il doit être absolument dépensé.
Laisser croire que les ONG, se substituant à l’Etat, ont les compétences requises une fois la phase d'urgence passée pour reconstruire une ville de plusieurs milliers d’habitants est mensonger. L’analyse des besoins à couvrir n’implique donc pas automatiquement la même réponse selon les acteurs concernés et aussi selon ce que souhaitent les autorités politiques nationales, qui peuvent avoir un avis différent sur ce qui est prioritaire et ce qui ne l’est pas.
Malgré un élan de solidarité sans précédent, le tsunami a été marqué par des dérives et du gaspillage. Il ne s'agit pas de le nier. Juste d'être conscient de certains effets pervers attachés à ce que l’on appelle des urgences dites CNN, ces catastrophes largement médiatisées.
Gare au cirque humanitaire
Face à l’absence de coordination entre tous ces acteurs pendant les premiers jours suivant la catastrophe, le cirque humanitaire a été dénoncé. Bien heureusement, cela n'a pas duré, et avec la reconstruction effective des zones affectées, les témoignages positifs sur les actions entreprises sont désormais nombreux. Mais, progressivement, le sentiment s’est aussi renforcé dans les pays ravagés par le tsunami qu’"une partie de l’argent collecté n’a pas été distribuée" et "a simplement permis aux ONG de s’enrichir".
La perception des humanitaires s’est dégradée au sein même des populations bénéficiaires de l’assistance, comme au Sri Lanka, où les autorités ont beau jeu depuis d’accuser la communauté humanitaire de tous les maux pour mieux la contrôler et discréditer ceux qui dénonceraient aujourd'hui les massacres qui ont accompagné la fin du conflit contre la rébellion tamoule dans le nord du pays.
Renforcer la transparence sur les actions entreprises
Le milieu humanitaire au sens large n’a pas de fierté à tirer de l’épisode du tsunami et doit faire preuve d'humilité sur les actions qu'il a entreprises depuis 2005. Il y a eu beaucoup de morts et de destructions, des opérations d’assistance et de reconstruction importantes et nécessaires ont été réalisées, mais ses "propres" représentations de ce qui se passait sur le terrain et du rôle des ONG ont parfois conduit à des erreurs dans la délivrance des secours, et entretenu une confusion sur les responsabilités pourtant différentes de tous ceux y ayant participé (Etats, protection civiles et forces armées, Nations Unies, Croix Rouge, ONG, entreprises…). Au risque de renforcer leur discrédit.
Que dire quand au final on se dispute les victimes pour justifier une présence sur le terrain et la dépense des sommes collectées auprès du public?
Une meilleure articulation entre acteurs est nécessaire, durant la phase dite d’urgence en particulier, sans parler du minimum de règles éthiques qui doivent guider tous les acteurs de secours dans la réalisation de leur mission et la prise en compte des intérêts des populations. Il ne suffit pas de vouloir poser sur la photo. Renforcer la revue critique des actions lancées une fois qu’elles sont terminées est sans aucun doute la meilleure façon de renforcer la transparence sur les résultats obtenus. C’est un moyen de rendre des comptes aux donateurs privés et publics et de développer à leur égard une communication transparente et responsable en reconnaissant les succès, les erreurs ou les limites des actions entreprises.
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