J'ai lu avec plaisir hier l'article de Patricia Mowbray dans LeMonde, par ailleurs auteure du livre "A comme Adoption", et de l'expo homonyme.
Enfin un article normal, équilibré, sain. Une tribune étayée, pesée, réfléchie.
Un ton serein.
Elle y rappelle quelques fondamentaux importants:
"l'adoption est une mesure de protection de l'enfant, qui a le droit de grandir avec sa famille. (...) A ceux qui recommandent de ne pas agir dans la précipitation mais dans le souci du respect des lois, je répondrai que les règles qui régissent l'adoption internationale sont laborieuses et contraignantes. A Haïti, par exemple, quinze étapes de procédure doivent être franchies pour enfin obtenir le visa d'adoption(...). Les délais pour ce sésame varient de quelques mois à plusieurs années. Compte tenu de ces parcours, on peut estimer que le temps de la réflexion est offert aux parents et aux institutions pour juger de la pertinence et de la validité de la démarche engagée.
L'enfant pendant ce temps se trouve dans un no man's land affectif, vivant son quotidien dans l'orphelinat, et, déjà engagé ailleurs, apprenant à désigner avec des mots nouveaux ou oubliés, comme "papa" ou "maman", des visages imprimés sur papier glacé. On sait que plus l'enfant grandit plus il aura de difficultés à guérir des séquelles de ces traumatismes. Il est donc vital d'accorder le temps de la justice à celui de l'enfant en accélérant les procédures sans les dénaturer, après que les apparentements ont été décidés."
Une absence totale de polémique qui fait un bien fou en ce moment: entre Haïti et le renvoi du petit garçon russe, les médias ne se concentrent en effet que sur les échecs de l'adoption, les problèmes d'attachement.
Si c'est bien d'évoquer aussi les difficultés, de sortir du côté "bisounours", cela devient assez terrible de n'être que dans l'échec, la critique, la conspuation. Le retour de balancier des médias françias est assez hallucinant. Il suffit de voir la dernière interview de PLS dans France-Soir, où des chiffres sont cités sans aucune source, chiffres qui par ailleurs sont sans commune mesure avec ceux figurant dans le rapport de l'Oned...(cf aussi mon post). Le seul point sur lequel je suis d'accord avec lui, et qui ressort aussi des nombreux témoignages que j'ai lus (notamment dans les médias US), c'est la nécéessité d'un " travail d’appariement des familles : tel enfant pour tel parent, car n’importe quel enfant ne peut pas aller avec n’importe quel parent." Dans un contexte où Kouchner a indiqué très clairement avoir en ligne de mire l'adoption individuelle, comme le souligne Grégoire, ça sent la propagande à plein nez!
Je vous fais part d'un article sur la construction de l'identité dans le cadre de l'adoption. Cet article suscite la réflexion. Bien sûr, il y a les détracteurs de l'adoption, mais il y a aussi les autres. Il faut encore lutter contre les clichés sociaux que l'on veut nous imposer.
RépondreSupprimerhttp://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=CTF_037_0157
Adoption et construction identitaire
Auteurs Zoé Rosenfeld Psychologue, assistante à l’Université Libre de Bruxelles,... et al.
Résumé
L’adoption fragilise-t-elle la construction identitaire à l’adolescence ? Malgré le recours de plus en plus croissant à l’adoption et l’intérêt généralisé porté à toutes les questions qui gravitent autour de ce sujet, il existe toujours à ce jour une sorte de « frilosité » quant à la possibilité de croire qu’un enfant adopté puisse être un enfant « comme les autres », susceptible de s’inscrire dans une filiation nouvelle sans trop de difficultés. Cette article tente d’apporter quelques réflexions critiques et quelques arguments au débat en explorant les différences qui peuvent exister dans le vécu comme dans les représentations familiales d’adolescents adoptés. Lutter contre la stigmatisation des familles adoptantes nous semble important pour éviter de dériver vers une sorte de prophétie auto-réalisante où la croyance en un « mauvais départ » induirait rétroactivement sa confirmation.
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2 Malgré un recours croissant à l’adoption et l’intérêt généralisé porté à toutes les questions qui gravitent autour de ce sujet, il existe toujours à ce jour une sorte de « frilosité » quand à la possibilité de croire qu’un enfant adopté est un enfant « comme les autres » et qu’il peut s’inscrire dans une filiation nouvelle sans trop de difficultés.
3 Il existe deux conceptions à propos de l’adoption. D’une part, il y a ceux qui mettent en avant les fragilisations identitaires qui lui sont liées, en affirmant la prévalence de la « blessure primitive » sur le déroulement ultérieur de la vie de l’enfant. L’enfant adopté serait donc à jamais marqué par son abandon initial, lequel entraverait ses possibilités d’attachement futures (Newton Verrier, 2004 ; Kerf, 1997). D’autre part, il y a ceux qui pensent que le lien biologique n’est pas essentiel à l’enracinement familial, que l’adoption correspond simplement à un autre mode d’entrée dans la famille et que c’est finalement le désir d’accueillir un enfant qui permettra son inscription dans la filiation nouvelle, son épanouissement et ses possibilités de développement. (Pierron, 2003 ; Cyrulnik 1997 ; Neuburger, 2002 ; Dolto et Hamad, 1995).
La primauté des liens de sang
7 Avant de poursuivre, il nous paraît important d’avoir à l’esprit les représentations sociales accompagnant cette question filiative et son influence sur nos façons de penser la parentalité et d’envisager l’adoption.
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8 Le discours et les messages issus de notre société occidentale viennent souvent dénoncer les aléas de l’adoption et par conséquent, vise à une certaine stigmatisation de ce mode d’entrée dans une famille. Parallèlement, notre culture diffuse encore largement la croyance en la primauté des liens biologiques. En témoigne la terminologie qui consiste à taxer les parents de naissance de « vrais parents », comme si les autres étaient moins vrais, voire même « faux ». En témoigne aussi l’acharnement qui se pratique quelques fois en institution pour garder à tout prix le contact entre un enfant placé et ses parents d’origine et ce, même si le lien s’avère avant tout destructeur pour l’enfant. Dans ce contexte général de « primauté des liens de sang » vient se poser la question de la légitimité des parents adoptifs, ravivant ainsi parfois leur faille narcissique et renforçant leur fragilité. Cette façon de penser les liens familiaux peut également avoir des conséquences sur l’enfant qui verra son inscription filiative et donc son identité (re)mise en question par la société qui l’entoure ...
Christine
Quand on lit le rapport de l'ONED, on se pose vraiment la question de savoir où est l'intérêt supérieur de l'enfant. Je me demande aussi qui a intérêt à maintenir ses enfants dans de telles conditions, sans famille et sans amour, et pourquoi ? Sans doute au nom du maintien de la filiation biologique à tout prix. Sans doute aussi pour justifier tout ce staff de professionnels de l'enfance qui pense avoir la science infuse et pouvoir dire à la place de l'enfant ce qui est bien pour lui !
RépondreSupprimermerci à Christine et à Anonyme pour vos témoignages et ces articles intéressants!
RépondreSupprimerChristine, j'avoue partager cette conception du point 3 (le deuxième paragraphe) "lien biologique n’est pas essentiel à l’enracinement familial, que l’adoption correspond simplement à un autre mode d’entrée dans la famille et que c’est finalement le désir d’accueillir un enfant qui permettra son inscription dans la filiation nouvelle, son épanouissement et ses possibilités de développement. "
Cela fait du bien de lire de tels éléments!
Et Anonyme, ton analyse sur les professionnels de la profession me séduit assez!
pouvez-vous toutes les deux m'en dire plus sur votre parcours?
et merci de vos commentaires!
Kakrine
Kakrine,
RépondreSupprimerJ'ai adopté en 2000 deux petits garçons nés en Thaïlande et en 2002 une petite fille née en Haïti. Je dois dire que je vis toujours au quotidien l'émotion que j'ai eue dès la première fois quand je les ai vus. Mon bonheur n'a fait que s'amplifier.
Avant de les avoir, nous avons vécu toutes les procédures, les justifications, les vérifications ... dans un délai assez court (moins d'un an pour chaque adoption après l'agrément français). Nous n'avons pas voulu passer par des OAA, car je ne comprends pas leur légitimité de vouloir nous faire faire un autre agrément interne et de devoir accepter qu'ils vous disent à votre place ce qui est bien pour vous .... Nous avons donc fait des démarches individuelles et je dois dire que tout était "réglo" et rapide, les dossiers suivant les mêmes étapes !
Je parle énormément de l'adoption avec mes enfants car ce n'est pas un tabou, au contraire, c'est un bonheur et c'est la création d'une vraie famille. Ils connaissent leur histoire, ce qui est normal, mais leurs racines se construisent en France. Leur pays c'est la France et leurs vrais parents c'est nous. Je pense vraiment que la position des parents (adoptifs) doit être claire pour que l'enfant se sente en sécurisé et rentre de plein droit dans la filiation de sa famille construite par adoption. Mes enfants sont très bien dans leur peau. Mes deux fils abordent la pré-adolescence. Ils sont fiers de leur adoption et se rendent compte que les familles biologiques ne sont pas mieux et ne se montrent souvent pas en exemple de réussite (affective et autre) !
Par contre, je dois dire que la France (d'ailleurs Nadine Morano l'a bien dit) est très attachée à la filiation biologique et rechigne à considérer l'adoption comme aussi légitime que la famille biologique. Et pourtant, elle l'est. Il y a beaucoup de gens racistes, bêtes et méchants qui essaient fréquemment de "mettre le ver dans la pomme" en faisant des réflexions désobligeantes. Les discussions que j'ai avec mes enfants à ce sujet nous ont rapprochés, mais il faut être vigilant car l'adoption dérange ceux qui n'ont pas forcément pu créer des liens forts dans leur famille biologique ou qui n'ont pas pu adopter tout simplement, ou encore qui vivent dans des conditions familiales déstabilisantes. Ils ne supportent pas de voir une famille (adoptive) unie et heureuse. Beaucoup de personnes sont à l'affût du moindre problème qui pourrait survenir dans une famille adoptive, sans doute cherchant à se rassurer de leur propre manque.
Je me rends compte que l'adoption dérange et qu'il faut "être armé" et avoir du répondant. Je pense qu'un enfant qui ne parle pas et qui ne se confie pas à ses parents pourrait être déstabilisé par la méchanceté et le racisme. Cela pourrait lui créer des problèmes d'identité. Ce "combat" qu'on est obligé de mener en vaut bien la peine, pour nous et nos enfants, car vraiment l'adoption c'est le bonheur au quotidien. Tous les jours, on se rend compte de la chance qu'on a.
Il faut se faire entendre car des associations anti-adoption plénière et des détracteurs de l'adoption sont très actifs auprès du gouvernement. Un enfant ne doit pas être entre deux avec deux filiations. Il doit avoir une seule famille, même si il a une histoire de quelques mois. Cette histoire n'est pas reniée, elle existe, mais sa vraie famille, c'est sa famille adoptive.
Enfin, par tous les témoignages que je reçois de personnes adultes ayant été adoptées, j'ai été réconfortée dans ma position et ai compris que la recherche des origines (ou de "géniteurs") n'est pas une généralité heureusement, ni une condition sine qua non à la construction d'une identité, contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire !!!
Merci Kakrine de m'avoir permis par ton blog de parler de mon ressenti.
Christine
Christine
Bonjour Christine
RépondreSupprimerun grand merci d'avoir pris la peine de partager ton parcours, c'est toujours passionnant pour moi de connaître les expériences des uns et des autres, toujours différentes, mais toujorus émouvantes.
Et je me sens tout à fait proche de très prises de position!
bonne journée sous le soleil à toute ta petite famille!
KAkrine
Kakrine,
RépondreSupprimerDes témoignages !
Christine
"Bonjour,
je m'appelle véro j'ai 35 ans et j'ai été adoptée à l'age de 2 mois par des parents formidables...je vous souhaite à toutes et tous d'acueillir chez vous tres bientot un super bébé d AMOUR...Si vous le désirez,n'hésitez pas à me poser des questions quant à ma vie super heureuse au sein de ma super famille.. "
"Merci pour ce témoignage plein d'espoir (...)
(...)
Dieu sait si on entend tout et son contraire.
(...) J'ai une question : As-tu ressenti le besoin de rechercher tes origines ? si oui, à quel moment (...)"
"j'ai eu à un certain moment de ma vie envie de connaitre mes geniteurs..j'ai rencontré ma génitrisse mais à aucun moment,je n'ai eu l'envie de l'appeler MAMAN...saches que les liens du sang ne sont vraiment rien,et pourtant,j'ai eu moi meme des enfants naturels (...)
(...) la question qui revient le plus c'est les origines, les géniteurs!! je pense qu'en tant que futurs parents adoptants nous avons besoin d'être rassurés!!!! il est normal que l'enfant recherche ses origines, mais nous voulons "rester ses parents" et ne voulont pas le perdre!!! et je suis d'accord avec toi il est vrai que le lien d'amour et bien souvent plus fort que le lien du sang!!"
(...) J'ai un petit garçon (adopté) de bientôt trois ans maintenant. (...) des gens lui disent : "tu as de la chance, tu es tombé dans une bonne famille, tu as de bons parents..." (...) ce n'est pas mal intentionné de leur part mais je ne peux m'empêcher d'être révoltée (...) Je réponds systématiquement : "Ce n'est pas lui qui a de la chance, c'est nous qui avons la chance de l'avoir, lui".
Je n'ai pas envie que mon enfant se sente un jour "redevable" (...)
C'est vrai, ce n'est pas de la chance, c'est NORMAL d'avoir des parents. Et quand on sait tout ce que ces enfants ont vécu avant de trouver une famille, je ne pense franchement pas qu'on puisse parler de chance.
Je voulais savoir si toi aussi, tu avais eu droit à ces réflexions (...)
"pour répondre à ta questions,je pense que l'adoption est une chance pour l'enfant et les parents...je ne peux m'empecher d'imaginer ce que je serais devenue si mes parents n'avaient pas été là?le type de réflexions que ton petit garçon entend parfois je les ai entendues durant toute mon enfance,elles m'embetait et me peinait parfois...mes parents m'ont dit tres tot que j'avais été adoptée(3ans)et finalement je pense que c'est une bonne chose,à l'heure actuelle j'ai presque oublié qu'au tout début de ma vie il y avait d'autres parents...
Je te souhaite énormément de bonheur avec ton petit bonhomme.(le reve pour moi aurait été de pouvoir aussi adopter mais la vie en a voulu autrement)"
"Moi aussi j'ai été adoptée il y a 28 ans maintenant et je suis contente de voir que d'autres pensent comme moi !!!
J'ai vécu une adoption géniale, j'ai des parents vraiment supers .... et je les aime !!! (...)
"ouf angel, je suis heureuse de ne pas etre la seule cela mettra peut etre du baume au coeur aux parents qui se posent des questions quant à l'évolutions de leurs p'tits bout'choux"
"Vous ne vous imaginez pas combien c'est réconfortant de vous lire. Il est vrai qu'on entend tellement de choses parfois, qu'on en est perdu...
Nous, les adoptants, nous avons besoin de vos paroles.
lidoulik"
"Surtout beaucoup de courage pour vos démarches et surtout n'abandonnez pas ...
Nous ne sommes pas les seules pour lesquelles l'adoption s'est bien passée ...
Vous apportez de l'amour à des p'tits bouts qui n'en ont pas ... on vous aimera toujours pour ça !!!"