dimanche 16 mai 2010

"The last babylift"

J'aimerais revenir sur cet article publié dans le NewYorker, par un journaliste également père adoptif d'une petite haïtienne, John Seabrook. Je l'avais juste signalé la semaine dernière, mais j'ai vraiment envie d'en indiquer ici quelques extraits, car cet article me trotte dans la tête depuis sa lecture.
Cet article est un véritable reportage d'investigation, bien loin des itw bidons du JDD & co (10 pages A4, quand même, sur l'adoption!!)
L'article mêle l'histoire personnelle de l'auteur à une mine d'infos sur l'adoption en générale, notamment aux Etats-Unis (tout un passage explique l'historique de la création de Holt, une des plus grosses agences US) et surtout sur l'adoption en Haïti, et le système qu'ont mis en place les USA pour rapatrier les enfants en cours d'adoption. Efficacité, réactivité ... et contrôle. Impressionnant. Comme quoi c'est possible...
Voici donc quelques extraits, qu'en pensez-vous?
- sur le désir soudain d'adopter des enfants dans le besoin d'autres parties du monde, en particulier en temps de crise, il cite Susan Soonkeum Cox, qui dirige les services Holt International Children's, une des plus grandes agences d'adoption internationale, : « je dirais à ces gens: «Eh bien, ce n'est pas aussi simple que ça. Imaginez un grand tremblement de terre qui frappe la Californie. Voudrions-nous que des gens en provenance du Mexique arrivent en disant: «Oh, vous ne pouvez pas prendre soin de vos enfants, il vaut mieux que nous vous les enlevions"? "Mais c'est difficile à accepter pour ces personnes!"
- sur l'éthique dans l'adoption: "La ligne de démarcation entre une adoption éthique et une escroquerie d'achat de bébés tourne généralement autour de la question de savoir si la mère de naissance a été contrainte de renoncer à son enfant. C'est une chose de payer un organisme d'adoption agréé pour suivre votre projet d'adoption dans la filière légale, c'est autre chose que de payer une pauvre femme pour son bébé. Mais cette distinction s'est avérée difficile à maintenir. Une nation ouvre ses frontières; les adoptions proliférent; s'insinue alors la corruption, il y a un scandale, on ferme les frontières. C'est ce shéma qui s'est passé récemment au Guatemala, qui a effectivement fermé ses frontières en 2008, mais aussi en Roumanie, Bulgarie, et au Cambodge. Même le Vietnam, l'un des piliers  en matière d'adoption internationale, s'est fermé en 2008,  du fait d'allégations de corruption."
-sur les critiques adressées à l'adoption internationale: " Les critiques ont fait valoir que l'adoption internationale prive les enfants de la chance de grandir dans leurs propres cultures. Les adoptions interraciales, qui dans les années soixante ont été considérées comme socialement progressistes, sont venues à être considérées comme transgressif, car elles ont enlevé à l'enfant son identité raciale. Des questions ont également été soulevées quant à la préparation de certains parents adoptifs aux États-Unis, d'une part, et la santé mentale de certains des enfants, de l'autre.(...) Loin d'être un geste humanitaire, l'adoption internationale est venu à être considéré par certains comme l'acte suprême de l'exploitation.
- sur La Convention de La Haye : "Mais les points de vue sur ce qui constitue l'intérêt supérieur de l'enfant diffèrent. La Convention de La Haye exige que les pays tentent de placer leurs orphelins nationalement d'abord, dans la famille éloignée ou par l'intermédiaire des adoptions locales. Les nouvelles règles ont cessé de préférer les soins institutionnels à l'adoption, mais c'est souvent ce qui se passe au final, en pratique. De nombreux pays en développement ne disposent pas des installations adéquates de placement familial pour les enfants sans-abri. Bien que la Convention de La Haye soit destinée à protéger les orphelins, dans certains cas, elle finit par nuire à des enfants, en les condamnant à des années dans les institutions.
- sur les ONG: "Des organismes de premier plan d'aide à l'enfance, tels que UNICEF, Save the Children, et le Service social international (ISS), ont mis l'accent sur l'amélioration des conditions sociales dans les pays d'origine, plutôt que de faciliter l'adoption internationale. Par conséquent, certains partisans de l'adoption internationale voient ces organisations comme des adversaires. Le sénateur Mary Landrieu, de Louisiane, a récemment menacé de couper UNICEFfinancement s 'à moins de modifier sa position sur l'adoption. Susan Bissell, le directeur de la protection de l'enfance à UNICEF, m'a dit: «Nous ne sommes pas contre l'adoption internationale. Nous sommes contre l'exploitation, contre la vente de bébés, et contre la renonciation forcée. "Elle a ajouté," Nous avons besoin d'intensifier les programmes dans ces pays, afin que les familles puissent élever leurs propres enfants, tout le monde est d'accord que c'est la meilleure option. " La question difficile est ce qui constitue une "renonciation forcée." Une mère qui ne peut pas se permettre de nourrir son enfant est-elle contrainte à l'abandon par la pauvreté? Si c'est le cas, est-ce que ce ne sont pas toutes les adoptions internationales d'orphelins sociaux qui deviennent moralement indéfendables?"
- sur le développement des enfants adoptés: "La plupart des études ont montré que les enfants adoptés, même quand ils sont de différents pays, font aussi bien dans la vie que les enfants biologiques, à condition qu'ils soient adoptées suffisamment tôt, alors que les enfants qui passent des années dans des orphelinats ont beaucoup moins de chances de se développer normalement. L'adoption internationale est en baisse parce que personne ne peut s'entendre sur ce qui constitue une adoption éthique. Comme Karen Dubinsky, un professeur d'histoire à l'Université Queen's en Ontario, qui est la mère adoptive d'un enfant guatémaltèque, et l'auteur de "bébés sans frontières», me l'a dit, "l'adoption, quelle qu'elle soit, fonctionne mieux en miniature que sur le grand écran. Dans l'absolu, c'est hideux, mais à l'échelle individuelle,  individuellement, cela peut parfois, et même souvent faire sens. "
Et ici, les dernières nouvelles de l'adaptation de Rose, sa fille, à sa nouvelle vie...
Rendez-vous sur Hellocoton !

3 commentaires:

  1. Oui, les ONG Unicef et Save de Children sont bien des adversaires actifs de l'adoption internationale. Je ne sais pas ce qu'est une identité raciale, car pour moi nous sommes tous de l'espèce humaine, tout en étant uniques. Toujours cette volonté de maintenir la supprématie des liens de sang. Je pense qu'il vaut mieux qu'un enfant vive dans une famille plutôt que dans un orphelinat. Dans le deuxième cas, je ne vois vraiment pas comment il peut se construire, même en restant dans son pays de naissance. Les hommes ont toujours migré depuis l'origine de l'humanité et font fait le leur le pays où ils s'installaient. Ces migrations n'ont pas toujours été de cause économiques. La culture est celle que l'on reçoit dans la famille dans laquelle on vit. La culture n'est pas génétique. Construire un enfant n'est pas de le laisser dans un orphelinat. Si dans son pays de naissance, il ne peut être adopté, il faut qu'il puisse avoir une famille même si c'est en dehors de son pays de naissance. L'intérêt supérieur de l'enfant, c'est bien son bonheur et son épanouissement dans une famille. L'Unicef dit que la meilleure opportunité pour un enfant c'est de rester dans son pays de naissance. Cela montre bien une grande contradiction dans les propos de certaines ONG : opportunité et intérêt supérieur de l'enfant ne sont pas synonymes, voir même totalement contradictoires.

    RépondreSupprimer
  2. Eh oui! les prises de position de l'Unicef sont vraiment surprenantes !! Elles ont leur propre cohérence, mais franchement , j'ai du mal à entendre qu'un enfant est mieux dans un orphelinat dans son pays d'origine, que dans une famille aimante, fut-ce dans un autre pays! je ne comprends pas bien cette approche de l'Unicef et ne voit pas non plus en quoi elle permet de justifier leurs actions, leurs budgets, leur philosophie. c'est très contradictoire... mais sur leur site internet c'est loin d'être dit aussi clairement... le lien avec l'ONU devrait plutot favoriser une vision plus universaliste de l'Homme ... je ne dois pas bien me souvenir de mes cours d'histoire sur la création de l'ONU !!!

    RépondreSupprimer
  3. Je pense aussi que l'UNICEF pense être investi d'une mission divine. Cette ONG, comme beaucoup d'autres, pense qu'elle a un rôle à jouer pour l'humanité et qu'elle a ainsi le droit de dire aux hommes ce qui est bien pour eux à leur place. Souvent, d'ailleurs, comme en Haïti par exemple, ils font ingérence. Le lien avec l'ONU protège cette ONG et la conforte dans ses actions. Il ne faut pas oublier que tout l'argent récolté en 2004 pour le tsunami n'a pas été redistribué. Il faut savoir aussi que les locaux de l'UNICEF sont somptueux. Ces membres voyagent en première classe, vont dans les hôtels les plus chers, se déplacent en Land Cruiser .... Ils savent très bien que, même si les enfants, restent dans des orphelinats ou traînent dans la rue, ou encore se font "exploiter" dans leur propre famille élargie ou pas, là n'est pas l'intérêt supérieur de l'enfant. Ils essaient de persuader le monde que les enfants sont la richesse d'un pays et donc ils doivent y rester pour y jouer un rôle. Moi, je pense qu'un enfant ne doit pas être sacrifié et que la pauvreté n'est pas forcément une raison à l'abandon .... Je pense enfin qu'il faut changer le système de libéralisme outrancier qui mène la politique internationale et rechercher une meilleure répartition des richesses dans le monde. A ce niveau rien n'est fait et on préfère nous culpabiliser, nous parents adoptifs, en nous disant que l'on profite de la misère du monde. On se demande bien d'ailleurs qui profite de cette disparité ? Quand on voit l 'argent qui est déplacé et récolté par les ONG et tout ce qui tourne autour, je pense que les ONG profitent largement de cette disparité.

    RépondreSupprimer